Cette soirée consacrée aux crus du Beaujolais est présentée par Élisabeth Bordeau. Ce vignoble existe depuis le 10ème siècle avec le premier seigneur de Beaujeu (950) qui donnera son nom à l’appellation. C’est au 17ème siècle que le vignoble prend son essor en fournissant le marché lyonnais via la rivière la Saône. L’arrivée du chemin de fer au 19ème augmente encore sa diffusion. Les premières appellations (le Chénas, le Chiroubles, le Fleurie, le Moulin-à-vent et le Morgon ) sont crées en 1936, l’aire d’appellation du Beaujolais est définie en 1937, le Juliénas est défini en 1938, ainsi que Brouilly et Côte-de-Brouilly, Beaujolais-Villages en 1946 et enfin Saint-Amour en 1946. L’année 1951 voit la naissance du Beaujolais nouveau qui sort le troisième jeudi du mois de novembre.
L’appellation s’étend sur 55 kilomètres du nord au sud et sur 20 km de large pour une superficie de 15780 ha.
Les coteaux ont une altitude moyenne de 190 à 550 m avec une exposition sud, sud-est. En traçant une ligne virtuelle par Villefranche-sur-Saône, nous avons deux terroirs, le Beaujolais Nord et le Beaujolais Sud. Le premier est formé de roches anciennes (granite, porphyre, schiste, diorite). La décomposition du granite donne des sables siliceux, ou « gore ». Ce sont des sols acides, filtrants et pauvres, sensibles à la sécheresse. Avec les schistes, ce sont les terrains privilégiés des appellations locales et des Beaujolais-villages. Le sud est caractérisé par une plus grande proportion de sols sédimentaires et argilo-calcaires qui sont plus riches en calcaire et en grès. C’est la zone des « pierres dorées », dont la couleur vient des oxydes de fer. Les sols sont plus riches et gardent mieux l’humidité. C’est la zone de l’AOC Beaujolais.
Le climat semi-continental tempéré se caractérise par des hivers rigoureux, des printemps humides permettant des réserves d’eau, des étés chauds et secs avec des températures élevées et des automnes cléments. Nous avons un bon ensoleillement et de bonnes conditions pour la maturation.
Le cépage roi est le Gamay N (gamay noir à jus blanc ), issu d’un croisement entre le pinot noir et le gouais. Il donne des vins rouges fins, très aromatiques. Ce cépage craint la pourriture grise. La taille est souvent courte, en gobelet. C’est un cépage principalement français, puisque sur les 37000 ha plantés dans le monde, 35000 ha le sont en France, dont près de 20000 dans le Beaujolais.
Il existe du Beaujolais blanc à base de Chardonnay mais cette production reste anecdotique.
La vinification traditionnelle en Beaujolais est une macération carbonique (ajout de CO2 et cuve fermée) ou semi-carbonique (ajout de CO2 et cuve ouverte) avec des grappes entières.
La région du Beaujolais comprend deux appellations d’origine contrôlée (Beaujolais et Beaujolais-Villages) et dix communales ou « crus » (Brouilly, Chénas, Chiroubles, Côte-de-Brouilly, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin-à-vent, Régnié et Saint-Amour). Ce soir, nous nous intéressons à quatre d’entre elles.
Brouilly : Ce vignoble est le plus étendus des crus avec 1300 ha et 66100 hecto. Le sol est composé de granits roses (50%), éboulis pierres bleues, caillouteux et calcaires. Les vins ont en général une robe rubis profond, un nez de fruits rouges, de prune, de pêche, avec des notes minérales. Le plus méridional des crus est coloré, ferme et corsé.
Côte-de-Brouilly : Cette appellation est regroupée autour du Mont Brouilly avec une superficie de 316 ha pour 16750 hecto. Le sol mêle granit et schistes « les pierres bleues ». La robe est pourpre avec des reflets cerise. Les arômes développés sont le raisin frais et l’iris. Les tanins sont fins avec des saveurs de fruits noirs macérés et des notes minérales.
Chénas : Cette appellation est la plus petite des crus avec 243 ha et 12020 hecto. Nous avons des coteaux granitiques et des alluvions de petits galets. La robe rubis teintée de grenat, un corps charpenté des notes florales et boisées.
Moulin-à-vent : La surface est de 627 ha pour 31500 hecto. Le sol se compose de granit rose riche en manganèse. La robe rubis foncée promet des arômes d’iris, de rose fanée, d’épices et de fruits mûrs.
Nous débutons la soirée par un Brouilly 2017 du domaine Pezenneau, cuvée « Combiaty » sur un sol granitique sablonneux. Cette propriété de 13 ha est en agriculture raisonnée. La robe est pourpre avec des reflets violines. Les larmes sont nombreuses. Le premier nez est sur les fruits rouges et la fraîcheur. A l’agitation, des notes poivrées et épicées apparaissent ainsi que des odeurs de violettes. En bouche, la fraîcheur est toujours présente. Le vin est rond, charnu et salivant avec une pointe caramélisée. Les tanins sont là. La garde ira jusqu’à 5 ans mais il peut se boire dès aujourd’hui. Il accompagnera une galette ou de la charcuterie.
Nous restons dans le Brouilly avec le domaine de la Poyebade, cuvée « 1929 », millésime 2015. Cette exploitation comprend 6 ha. Ce vin est issu de vieilles vignes plantées en 1929. Les raisins sont triés et égrappés. La couleur est rouge rubis avec des reflets violines. Le premier nez associe des odeurs de sous-bois (champignons) et lait. Le second nez apporte des notes épicées et minérales. En bouche, le vin est équilibré entre tension et tanins onctueux. La longueur est bonne. La garde est de 3 ans. A déguster avec un plat de charcuterie et des rillettes.
La dégustation continue avec un Côte-de-Brouilly, domaine Baron de l’Écluse, cuvée « les Garances », 2015. Il s’agit d’un domaine familial de 6 ha. Les vignes sont âgées de 60 ans. Ce vin bénéficie d’un passage en fûts de 14 mois. La robe est intense avec une couleur rouge foncée et des reflets rubis. Les larmes sont nombreuses et épaisses. Le premier nez laisse apparaître des arômes de fruits murs (cassis) qui sont complétés à l’agitation par des notes beurrées, lactées et poivrées. En bouche, fruité et tension forme un bel équilibre. La matière est soyeuse avec une complexe pointe florale. La garde est de 8 ans. Des viandes blanches et de la charcuterie conviendront bien.
Poursuivons avec un Chénas du château Bonnet, cuvée « Confidence de l’Échevin », 2016. La vinification est « à la bourguignonne » avec des pigeages quotidiens et une cuvaison de 25 jours. L’élevage se fait en fûts de chêne pendant 15 à 18 mois, pour finir avec un élevage en bouteille de 2 ans. La robe est intense, de couleur pourpre irisée de rubis. Les larmes sont épaisses et nombreuses. Le nez est fruité et frais avec de notes poivrées. La bouche est ample, le poivre du nez est là. Les tanins sont souples avec une matière complexe. Nous avons une belle longueur avec une note boisée en finale. La garde va de 5 à 8 ans. Ce vin peut être servi avec une viande rouge (entrecôte de bœuf grillée, steak maître d’hôtel) ou un plat épicé (chili con carne).
Nous restons avec le même vigneron pour découvrir un Chénas de 2009, cuvée « la Châtelaine de Proust ». La couleur est rubis avec des notes orangées. Les larmes sont nombreuses. Le premier nez porte sur des arômes de fruits bien murs. L’agitation laisse la place à des odeurs animales, de sous-bois et de poivre. En bouche, le vin est appétissant et agréable au départ mais il s’estompe vite, il n’y a pas assez de longueur. Il est à boire maintenant.
Pour terminer, nous allons au domaine des Pierres Dorées avec un Moulin-à-vent 2016. La robe est claire. Le nez est intense avec des notes minérales et fumées. Nous avons une odeur de pot pourri de roses. L’agitation donne des arômes de fraises des bois et de poivre. La bouche est longue avec une saveur de cerises au kirsch.
En conclusion, cette soirée est une belle découverte et Élisabeth nous a fait découvrir un vignoble en pleine mutation (modification des cahiers des charges des appellations pour s’adapter aux évolutions écologiques et environnementales), arrivée d’une nouvelle génération, problème de reprise par les enfants. Nous avons dépassé l’idée reçue du Beaujolais nouveau pour découvrir des vins rouges typés et un cépage, le Gamay qui peut donner des vins de garde. Notre coup de cœur sans connaissance du prix est allé au Côte-de-Brouilly, domaine Baron de l’Écluse, cuvée « les Garances », 2015, en connaissant le prix, le choix s’est porté sur le Moulin-à-vent 2016 du domaine des Pierres Dorées. Les prix étaient dans une fourchette de 11,50 à 22 euros. Le degré d’alcool variaient de 13 à 13,5°.